« Agriculteur, c’est un métier qui a du sens, que l’on fait par passion »


Vous avez un parcours atypique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez fait le choix de vous associer à votre père ?
Oui en effet j’ai fait des études dans le milieu de l’économie et du management avec des expériences internationales à Shanghaï, et surtout en Afrique. J’ai participé à l’ouverture de points de restauration rapide de la chaine La Croissanterie au Congo Brazaville, ainsi qu’à des audits dans les stations services du Groupe Total. J’ai ensuite été en charge de la construction d’un abattoir avicole au Sénégal (contractualisation avec les éleveurs, négociation avec les grandes et moyennes surfaces…). Aujourd’hui, je suis responsable commercial Afrique de l’Ouest et j’anime un réseau de 8 distributeurs sur une zone géographique de 20 pays.
En 2020 j’ai décidé d’avoir un rôle d’associé dans l’exploitation familiale, car c’est un métier que j’affectionne particulièrement. Cet ancrage paysan me permet également de garder un réel bon sens dans mon activité de salarié.

Quelle est l’histoire de cette exploitation ?
L’exploitation a débuté en 1985 avec mon grand-père, puis mon père l’a rejoint en 1991. Ils ont développé l’exploitation dans un système de polyculture élevage, puis quelques années après le départ à la retraite de mon grand-père, mon père a orienté l’exploitation sur la production céréalière et le non-labour.

Qu’avez-vous mis en place comme changements ? Quels sont vos projets ?
Dans la continuité des changements réalisés par mon père, j’ai entrepris deux projets : une conversion vers l’agriculture biologique et l’augmentation significative des légumineuses (projet de vente directe de lentilles).
Je suis convaincu que cette démarche d’aller vers une agriculture toujours plus verte est souhaitée par les consommateurs et est encouragée par la politique agricole actuelle. Nous pouvons ainsi obtenir un modèle économique plus résiliant tout en améliorant la qualité de nos sols et ainsi préparer plus sereinement l’avenir.
J’ai aussi souhaité mettre en place une démarche de « bilan carbone ». Trop souvent notre métier d’agriculteur est décrié à tort comme polluant, alors que la plupart de nos exploitations a un impact nul en termes de rejet de carbone, voire positif pour bon nombre d’entre elles (comme la mienne) et stocke du carbone (entre 2 et 4 tonnes par hectare). M’inscrire dans cette démarche me permettra de mieux communiquer avec les consommateurs lors de la vente directe. Aujourd’hui on peut manger en France une viande qualitative à impact positif sur l’environnement. Nos bêtes allaitantes qui pâturent une grande partie de l’année, complémentées à l’auge avec du foin de luzerne ou de trèfle n’ont rien à voir avec les conditions d’élevage en paddocks outre-Atlantique. Il faut déculpabiliser le consommateur en l’aidant à faire la part des choses.
De plus m’engager dans le bilan carbone me permet de créer un revenu complémentaire car le carbone stocké dans mes terres est racheté par des entreprises, qui rejettent trop de carbone par la nature de leurs activités. C’est donc une nouvelle source de revenu pour l’exploitation.
D’autres projets sont en cours de réalisation comme de tester une plantation de noyers, ou encore de réintégrer de l’élevage à petite échelle afin de garantir une production de qualité et de la proposer en vente directe. Et pourquoi pas créer un gite pour faire découvrir l’agriculture…

Comment réussissez-vous à tout gérer à distance ?
Je m’appuie sur des partenaires réceptifs et des outils technologiques et numériques : une aide familiale forte (mon père gère toujours l’exploitation), la délégation de certains travaux à une ETA locale de confiance, l’établissement d’un prévisionnel de l’ensemble des travaux à réaliser, ainsi qu’une cartographie de l’ensemble des parcelles afin de faciliter la communication avec nos partenaires, et enfin l’utilisation des appels visio avec Adheo, les partenaires bancaires, la Chambre d’agriculture, la coopérative et les fournisseurs.
Je consacre en moyenne une journée par semaine à l’exploitation (traitement des dossiers administratifs et préparation des projets de diversification). Je reviens également très régulièrement sur l’exploitation, le télétravail m’aide beaucoup pour mener à bien ces missions.

Comment Adheo vous accompagne dans vos projets de développement ?
De façon assez « naturelle », mon père et moi avons fait appel à Adheo, pour effectuer la modification statutaire lorsque j’ai voulu prendre des parts dans la société. Ayant expliqué mes différents projets et objectifs à Mme BOXEBELD, juriste chargée de notre dossier, elle a relayé mes questionnements à Mme SEXE, conseillère économique qui m’a rapidement contacté. Ensemble, avec l’appui de M. RUZE, juriste, nous avons imaginé une structuration juridique pour mon activité agricole afin de tenir compte de mes priorités de capitalisation et de disponibilité de trésorerie.
En effet, à cette activité agricole s’adosseront une holding et une SCI. Ce projet implique de « poser » le scénario avec des chiffres, d’où une proposition d’effectuer une étude économique, financière et fiscale de mon projet. Adheo m’a également proposé une prestation de comptabilité sur l’ensemble de mes structures.

Avez-vous des conseils particuliers à donner à des futurs repreneurs d’activité ?
Mon autre métier m’amène à travailler régulièrement avec des exploitations de plus de 20 000 ha dans des pays qui disposent de législations plus souples. Nos concurrents étrangers arriveront toujours à être plus compétitifs que nous. Notre territoire, notre savoir-faire, la diversité de notre agriculture sont formidables et reconnus à travers le monde, des places restent à prendre à l’export. Ces places nous les prendrons avec des produits toujours plus qualitatifs et plus respectueux de l’environnement. D’ailleurs je trouve que les jeunes agriculteurs communiquent de mieux en mieux sur notre beau métier. Agriculteur, c’est un métier qui a du sens, que l’on fait par passion mais nos choix doivent être régis par un modèle économique profitable.